La place des indicateurs dans le cocKPIt du vétérinaire
En quelques années, la profession vétérinaire s'est extrêmement professionnalisée et suivre son activité est devenu primordial pour gagner en efficacité et en confort. Zoom sur les "KPIs" !
Bienvenue dans cette 12ème édition de Vet&All, la newsletter dédiée à la gestion de structures vétérinaires. Ce mois-ci, nous allons aborder un premier aspect de la gestion d’activité avec les indicateurs de performance, aussi connus sous le terme de Key Performance Indicators (KPIs) en anglais. Le thème étant très vaste, nous allons nous pencher en particulier sur les indicateurs d’activité, en essayant de simplifier le sujet, et détaillerons les indicateurs financiers dans une prochaine édition. Cette édition se conclut par un entretien avec Charles Bosquet, Directeur France de Kynetec, leader mondial des études de marché en santé animale. Il en connaît donc un rayon sur les KPIs en clinique vétérinaire et nous apportera son éclairage ô combien enrichissant !
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Les dernières nouvelles
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🐼 Vétérinaires pour la Biodiversité et Ecoveto conduisent une enquête nationale sur les enjeux environnementaux liés à la médecine vétérinaire. Tous les professionnels vétérinaires (vétérinaires et ASV, étudiants et diplômés) sont invités à y prendre part.
🇺🇸👴 Loyal, une entreprise américaine, a reçu un premier signe positif pour l’approbation de son médicament prolongeant l’espérance de vie des chiens par l’agence américaine du médicament (FDA). Pour les détails, c’est ici !
💊 Pour celles et ceux que les génériques vétérinaires intéressent, un rapport très complet a été publié par Access VetMed, qui représente l’industrie européenne du générique vétérinaire. On y apprend notamment qu’ils représentent la moitié des autorisations de mise sur le marché vétérinaire en Europe !
🇬🇧📋 🐶💰 Au Royaume-Uni, l'enquête formelle de la Competition and Markets Authority sur le secteur vétérinaire des animaux de compagnie se poursuit, avec des conclusions attendues fin 2025. Suite à la publication d’un rapport préliminaire laissant supposer que la publication des tarifs vétérinaires en ligne serait potentiellement exigée, la profession vétérinaire a déjà pris les devants et amélioré la communication sur les prix, plus transparente et accessible pour les clients. Un exemple à suivre en France ?
Les KPIs en structure vétérinaire : comment piloter son activité en suivant quelques données-clés facilement accessibles ?
Vous avez sûrement déjà entendu parler de ‘KPIs’ ou ‘Quai-pi-aïez’, le terme anglais désignant les indicateurs clés de performance. Que ce soit dans des cours ou conférences de management/marketing, au sein d’échanges avec des fournisseurs, ou lorsqu’un éditeur de logiciel vous détaille les fonctionnalités de son programme de suivi d’activité. Ces KPIs sont des métriques suivies en routine dans les grandes entreprises car elles permettent de mesurer l’atteinte des objectifs. Autrefois étrangers à la profession vétérinaire, ces indicateurs s’y généralisent, notamment avec l’arrivée des consolidateurs mais aussi du développement des formations de management.
Zoom sur quelques indicateurs d’activité simples à suivre, qui peuvent nous permettre d’en apprendre beaucoup sur une clientèle vétérinaire et son évolution.
Les principaux indicateurs d’activité en clinique vétérinaire
CA = nombre de clients x fréquentation x panier moyen
Dans cette édition, nous allons nous focaliser sur les indicateurs d’activité, donc les indicateurs axés sur la vente de produits et de services uniquement. Nous nous intéresserons aux indicateurs financiers, et notamment de rentabilité, dans une prochaine newsletter.
Simplifier est parfois une tâche complexe, nous allons tout de même essayer, au risque de paraître trop simpliste. Dans le cas de l’activité d’une entreprise, on peut la réduire à son chiffre d’affaires et notamment l’évolution de celui-ci. En clinique vétérinaire, une façon assez commune de découper le chiffre d’affaires (CA) consiste à différencier le nombre d’animaux, de la fréquentation et du panier moyen, le produit des 3 nous donnant le chiffre d’affaires. Cette façon de scinder le CA est simple à mettre en oeuvre et permet d’identifier des leviers tangibles pour faire progresser son CA : dois-je gagner de nouveaux clients ? développer la fidélité ? ou développer les services et le panier moyen ? Les 3 peuvent bien sûr être connectés (en augmentant la fréquence annuelle moyenne, on risque de diminuer un peu le panier moyen) mais leur analyse est souvent riche d’enseignements.
#1 - Le nombre d’animaux
La première variable à analyser est le nombre d’animaux dans la clientèle, et notamment le découpage par espèce. Certains logiciels permettent également de faire des tris selon certains critères (e.g., en fonction de l’âge, du statut vaccinal, stérilisé ou non etc.). Cette première variable va permettre de voir comment la patientèle évolue et de prendre des mesures en conséquence.
De façon simplifiée, si le nombre d’animaux diminue globalement, il faudra en identifier les causes (ex : nouvelle clinique autour, insatisfaction etc.), car ceci peut être masqué si une croissance de la dépense par animal a permis de maintenir un CA stable. De même, une croissance de la patientèle féline doit susciter un besoin de développer les pratiques cat-friendly au sein de la clinique.
Si l’on a défini un découpage du nombre d’animaux en fonction de certains critères, on s’intéressera bien sûr à son évolution. Une baisse du taux d’animaux vaccinés (= nombre d’animaux vaccinés / nombre total d’animaux) pourra nous alerter sur une clientèle qui se renouvelle potentiellement moins, car le taux de vaccination a plutôt tendance à augmenter, notamment chez le chat. Une baisse du nombre d’animaux de moins d’un an doit également alerter sur la même tendance, avec moins de ‘nouveaux’ clients, qu’il faudra compenser donc avec une hausse de la fréquentation ou du panier moyen.
Ce premier indicateur permet donc de qualifier et quantifier sa patientèle : combien de chiens, de chats, de jeunes, de seniors, de vaccinés, etc. afin de définir l’offre adaptée à celle-ci - ou de comprendre si l’offre en place attire bien la patientèle souhaitée.
#2 - La fréquentation
La fréquentation moyenne est le nombre de fois qu’un animal vient en clinique par an et permet d’estimer si les clients viennent régulièrement ou uniquement ponctuellement. En effet, certains clients ne viendront qu’une fois par an en clinique vétérinaire, pour ‘les vaccins’ ou en cas d’accident, alors que d’autres viendront plus souvent, pour le moindre doute. Cela est notamment vrai pour les animaux assurés qui viennent 2 voire 3 fois plus que les animaux non assurés, et également pour les animaux atteints d’une maladie chronique. Les primo-possesseurs ont tendance également à venir plus souvent, ainsi que les plus jeunes générations.
Cet indicateur permet d’évaluer la fidélité de la clientèle. Plus une clientèle sera fidèle, plus il sera facile de développer une confiance réciproque, de proposer des services et de les accompagner pour la santé de leur animal. On s’axera principalement sur de la médecine préventive et du dépistage. Des programmes de fidélité pourront être réfléchis, comme les plans de prévention par exemple. Cette clientèle sera d’ailleurs particulièrement sensible à une approche sur mesure et personnalisée, avec idéalement toujours le même soignant. A contrario, une clientèle moins fidèle viendra en moyenne pour des cas plus sévères, demandant souvent des compétences chirurgicales et/ou des capacités d’hospitalisation.
#3 - Le panier moyen
Le panier moyen se définit comme la somme moyenne dépensée par un client lors d’un achat dans un établissement, ou autrement par le montant moyen d’une facture émise par visite. Il se calcule donc en divisant le CA par le nombre de factures ou de visites.
Le panier moyen permet globalement d’estimer le niveau de soins accepté par les clients. Un panier moyen élevé traduit des factures en moyenne élevées et donc des clients prêts à hospitaliser sur plusieurs jours, faire de nombreux examens, accepter des chirurgies lourdes. A contrario, un panier moyen bas reflète plutôt une clientèle qui va demander peu de prestations. Tout cela est bien sûr à mettre en perspective avec les équipements de la clinique et la politique de prix.
Analyser son panier moyen permet notamment de réfléchir aux investissements à venir : avant d’installer un scanner, la clientèle permettra-t-elle de le rentabiliser ?
Un découpage simplifié du CA selon ces 3 indicateurs permet donc de mieux comprendre sa patientèle, sa clientèle, leurs comportements et leurs évolutions. Ces informations sont précieuses pour définir et/ou adapter l’offre de services pour répondre à leurs attentes.
Comment accéder facilement à ses KPIs ?
La plupart des logiciels métiers ou Practice Management Softwares (PMS) propose un accès simplifié à ces indicateurs, sans aucun calcul nécessaire. Certains ne donneront que le nombre d’animaux et le panier moyen, il faudra donc calculer la fréquentation par une simple division.
Cet accès facilité permet de suivre de façon fréquente et rapide les KPIs, permettant de mettre en place des mesures correctives rapidement en cas d’anomalie. Il ne faut cependant pas tomber dans l’excès et garder un certain recul par rapport aux KPIs, en adoptant une ‘big picture’ pour bien les analyser.
Les principaux usages des KPIs
Nous avons déjà évoqué quelques intérêts des KPIs, de leur définition et de leur suivi. Ces intérêts sont multiples et à tous les niveaux de l’activité vétérinaire :
Stratégie : connaître ses clients est la première étape, indispensable, pour bien définir son offre, sa vision et la stratégie pour l’atteindre ; les KPIs seront non seulement le point de départ de la stratégie, mais aussi à suivre régulièrement pour mesurer l’atteinte des objectifs fixés ;
Recrutement & formation : en lien avec la stratégie, une croissance du nombre d’animaux et de la fréquentation permettront d’anticiper un besoin à venir de renforts, compte tenu d’une activité qui aura tendance à augmenter ; une croissance du panier moyen supérieure à l’augmentation des prix démontre une volonté croissante de médicaliser et donc le besoin de développer des services et de se former ;
Motivation : des indicateurs au vert sont toujours bon pour le moral donc partager cela avec les équipes permet de générer de la motivation, le sentiment de récompense du travail bien fait ; en revanche, des indicateurs dans le rouge doivent permettre à l’équipe de se remettre en question et de se stimuler pour améliorer les choses ;
Finance : les indicateurs permettent de faire des prévisions d’activité, pour les budgets prévisionnels et business plans, pour des décisions d’investissements ; ils sont également souvent demandés par les prêteurs, aussi bien les banques que les investisseurs.
En fonction des objectifs fixés, on pourra suivre les KPIs plus ou moins fréquemment. Certaines cliniques vétérinaires décident de les imprimer tous les mois et de les mettre à la disposition des équipes, pour augmenter la motivation et la transparence.
Vous l’aurez compris, suivre ces 3 indicateurs-clés peut grandement aider les vétérinaires dans l’analyse de leur clientèle. Ils sont en général facilement accessibles via le logiciel métier et sont une source précieuse pour définir de nouveaux services et/ou équipements en adéquation avec l’évolution de la clientèle. Ces KPIs peuvent également être utilisés comme outil de motivation, étant souvent la récompense du travail bien fait d’une équipe soignante. Une baisse de certains indicateurs permettra également de se remettre en question et d’enrayer le possible déclin d’une clientèle et de la motivation de l’équipe.
Comme avec toute statistique, il est important de garder un certain recul et de les interpréter à bon escient, au sein d’un environnement et d’un contexte, d’autant plus lorsque l’on opère des comparaisons entre structures.
Et si on demandait à un expert du domaine ce qu’il pense des indicateurs de performance en clinique vétérinaire ?
Entretien avec Charles Bosquet, Directeur France de Kynetec Animal Health & Nutrition
Vet&All : Bonjour Charles, merci de nous accorder un peu de temps. Pourrais-tu te présenter rapidement et nous expliquer ton parcours et ce que tu fais aujourd’hui ?
Charles : J’habite dans le Nord de la France, marié et papa d’un petit Gustave. Je suis le fils ainé d’une mère infirmière libérale et d’un vétérinaire rural à la retraite qui était très actif dans l’écosystème vétérinaire en qualité de secrétaire général de la SNGTV.
Ma carrière s’est naturellement orientée dans le secteur de la santé après l’obtention d’un master en école de commerce. D’abord dans le domaine du matériel opératoire en humaine et ensuite, sans discontinuer, en santé animale en France et à l’étranger sur des positions sales & marketing, notamment chez BI et Merial. En 2019, après plus de 15 ans dans l’industrie, j’ai décidé de me former de nouveau en obtenant un Executive Master de l’EDHEC Business School.
Actuellement, je suis le Directeur France de Kynetec Animal Health & Nutrition. Cette fonction consiste à piloter l’activité à 360° sur l’ensemble de notre chaîne de valeur dans les études de marché et le data processing.
Vet&All : Parcours très varié et très ancré santé animale. Et Kynetec, c’est une entreprise récente dans le domaine ? Que proposent-ils ?
Charles : Kynetec est le leader mondial des études de marché en santé animale et végétale depuis plus de 30 ans. L’entreprise compte plus de 1000 collaborateurs essentiellement des spécialistes du marketing, data analysts, data scientists, data engineers, des docteurs en médecine vétérinaire et en statistiques. Nos projets sont variés et toujours très personnalisés en tenant compte du contexte et des besoins de nos clients. La particularité intrinsèque de Kynetec est d’être un spécialiste de la santé animale et de répondre aux enjeux d’études de marché multi-pays. De plus, notre expertise dans la collecte, le traitement et la cartographie des données de vente nous permet de fournir des tableaux de bord et des rapports fiables et pertinents.
Vet&All : On peut notamment voir vos données dans la Dépêche Vétérinaire. Comment sont-elles collectées ? Quels indicateurs proposez-vous ?
Charles : Les données dans la Dépêche Vétérinaire sont des analyses sur des données de facturation clients issues des logiciels métiers des structures vétérinaires partenaires de notre offre Panelvet. Ces données sont collectées via une data pipeline sécurisée, elles sont anonymisées et ne concernent que la facturation.
Je précise que dans Panelvet les données sont brutes et non extrapolées.
L’objectif est d’apporter aux vétérinaires des indicateurs de performance sur la fréquentation, le volume de dépenses, le niveau de facturation par espèce. Notons, que les vétérinaires sont les propriétaires de leurs données de vente et que tous les logiciels métiers doivent leur permettre d’y accéder et de les exporter vers un tiers.
A date nous traitons les données de + 350 structures en France ce qui représente annuellement 2,8 millions de factures pour le chat et 3,7 millions pour le chien.
Vet&All : Pourquoi les vétérinaires devraient-ils se soucier de ces indicateurs d’activité et de performance ?
Charles : Dans un contexte de concentration du marché vétérinaire français (GIE, Corporate, Industriels) et de baisse de fréquentation dans les structures vétérinaires, il est crucial de piloter son activité et de nourrir ses décisions stratégiques en s’appuyant sur des données fiables et robustes.
L'utilisation d'indicateurs de performance en entreprise est essentielle pour plusieurs raisons. Ces indicateurs, souvent appelés KPIs (Key Performance Indicators), permettent de mesurer, suivre et optimiser les performances à différents niveaux.
L’approche de Panelvet est de se concentrer sur le suivi de la santé financière des structures vétérinaires sur 2 axes majeurs : la dynamique de fréquentation et la dynamique de dépenses des propriétaires.
Ce suivi s’opère actuellement sur plus de 100 KPI. Il est pertinent de comparer ses indicateurs à ceux de ses confrères, notamment sur CA/ETP, nombre de Patients, nombre de Clients, CA/Patient, CA/Client, nombre de facture/ETP, moyenne des factures par Patient, moyenne des factures par Client.
Vet&All : Quelles sont les grandes tendances que tu observes sur le marché ces derniers mois ?
Charles : Depuis 2024, nous observons une baisse de fréquentation dans les structures vétérinaires. Sur les 12 derniers mois, nous notons une baisse de 4,6% de fréquentation pour le chien et une hausse de seulement 0,1% pour le chat. La hausse des dépenses masque cette régression en permettant une hausse du revenu total du circuit vétérinaire. Les alternatives au circuit véto pour les propriétaires sont une menace. Quand un propriétaire se rend 1 fois par an chez son véto, il va en moyenne 4 fois à la pharmacie par exemple.
Vet&All : Et as-tu des projections sur l’avenir à court-terme pour que les vétérinaires anticipent ?
Charles : Chez Kynetec, nous pensons qu’à partir de 2027 nous verrons un retour de dynamique de fréquentation, car les animaux de compagnie du boom COVID atteindront l'âge moyen, ce qui accroîtra à nouveau la demande de services et de produits vétérinaires.
Vet&All : Aurais-tu également des conseils à leur donner dans le domaine des données et indicateurs ?
Charles : Avant cette date, les vétérinaires devront maximiser le potentiel de leur clientèle, définir une politique tarifaire adaptée au contexte et à la concurrence des autres circuits. L’utilisation des données de ventes pour la construction de rapports d’observance est un bon levier de compréhension du niveau de médicalisation de sa clientèle. Elle permet de comprendre une situation à date et de prendre les bonnes décisions.
Vet&All : Merci beaucoup Charles pour cet échange très riche. Beaucoup d’informations très intéressantes. As-tu autre chose à ajouter ?
Charles : Je tiens simplement à vous remercier de m’avoir contacté dans le cadre de votre newsletter et invite vos lecteurs à visiter le site internet www.panelvet.com/fr.
Vet&All : Encore merci et à bientôt dans une nouvelle édition de Vet&All peut-être !
Coordonnées : Charles Bosquet, charles.bosquet@kynetec.com, https://www.kynetec.com/
Je suis Guerric Radière, consultant en stratégie, gestion et organisation, vétérinaire canin libéral, et enseignant en management en école vétérinaire (ENVA, ENVT). Je suis passionné par notre profession et cherche à la faire progresser pour le bien des animaux et des équipes. Echanger et travailler avec des acteurs de notre domaine est ma raison d’être, donc n’hésitez pas à me contacter ➡️ animall.life.contact@gmail.com.