Les indicateurs financiers en clinique vétérinaire
Les états financiers de 2024 ont été publiés dans la majorité des entreprises françaises. Penchons-nous sur leur analyse pour les structures vétérinaires !
Bienvenue dans cette 15ème édition de Vet&All, la newsletter dédiée à la gestion de structures vétérinaires. Nous avions abordé les indicateurs de performance, ou Key Performance Indicators (KPIs) en anglais, liés à l’activité dans une précédente édition. En cette période de clôture des déclarations d’impôts, penchons-nous aujourd’hui sur les indicateurs financiers pour mieux interpréter les documents comptables. Cette édition se conclut par un entretien avec Nadège Giffault, Directrice de mission et Responsable nationale secteur vétérinaire au sein de RYDGE Conseil, cabinet d’expertise comptable publiant chaque année des moyennes au sein de la profession vétérinaire. Elle nous apportera son éclairage sur l’exercice 2024 !
Et comme d’habitude, si vous pensez que des personnes de votre entourage pourraient bénéficier de ces infos, transférez-leur !
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Les dernières nouvelles
🇫🇷⚖️ L'Ordre national des vétérinaires prévoit la publication d’un nouveau code de déontologie à l’horizon 2027. Une adresse email (code2027@ordre.veterinaire.fr) a été mise en place pour que la réflexion se fasse au niveau de l’ensemble de la profession, tous les vétérinaires de France pouvant y envoyer leurs réflexions et propositions.
🇪🇺🐶😺 Le Parlement européen a adopté le 19/06/2025 une loi relative au bien-être des chiens et des chats et à leur traçabilité, imposant l’identification par puce électronique et l’enregistrement des chiens et chats dans des bases de données nationales interopérables, tout en interdisant l’élevage d’animaux hypertypés et la consanguinité. Les importations, y compris non commerciales, devront respecter ces règles, avec un enregistrement préalable pour les animaux de pays tiers. Ces mesures, visant à renforcer le bien-être animal et lutter contre le commerce illégal, devraient être finalisées d’ici fin 2025.
🇪🇺🛡🐶 Selon le rapport de Research and Markets "Europe Pet Insurance Market - Focused Insights 2024-2029", le marché européen de l'assurance pour animaux, évalué à 3,85 milliards USD en 2023, devrait atteindre 8,06 milliards USD d'ici 2029, avec un TCAC (Taux de Croissance Annuel Composé) de 13,1 %. La croissance est portée par des solutions numériques avancées et des plans d'assurance personnalisables adaptés aux besoins des propriétaires. La hausse du nombre d'animaux de compagnie et la sensibilisation accrue aux avantages de l'assurance soutiennent également cette expansion.
🇫🇷🩺 Le SNVEL publie un communiqué de presse pour rappeler les principes du dispositif de permanence et continuité de soins vétérinaires (PCS), assuré par des vétérinaires pour répondre aux urgences en dehors des horaires habituels. Ce service, financé sans aide publique, engendre des coûts répercutés sur les tarifs des consultations d’urgence, reflétant la mobilisation d’équipes et de structures spécialisées. Face aux attentes croissantes des propriétaires, le SNVEL appelle à la compréhension et au respect, soulignant l’engagement déontologique des vétérinaires.
📖👦🏼🌍 Idée lecture pour vos enfants cet été ! Les éditions A contresens lancent la collection jeunesse Animo Aloki, en partenariat avec Vétérinaires pour la Biodiversité (VPB), avec deux premiers romans écrits par notre consoeur Corinne Lesaine, disponibles fin juin pour sensibiliser les 8-10 ans à la protection des animaux (Les gardiens des anges bleus, Tortues en danger). Suivant les aventures d’Alban et Louisa, ces récits mêlent péripéties et conseils pédagogiques pour respecter et préserver la faune sauvage. Chaque livre vendu en 2025 reversera 1 euro à VPB pour soutenir des actions de préservation de la biodiversité.
🇬🇧🔎 Dans le cadre de son enquête sur le marché vétérinaire des animaux de compagnie au Royaume-Uni, à laquelle elle a reçu plus de 500 réponses à sa consultation sur des solutions possibles et conduisant à un rapport préliminaire en mai dernier, la Competition and Markets Authority (CMA) a annoncé repousser la publication de son rapport final, initialement prévue pour fin novembre 2025, à début février 2026.
Les indicateurs financiers en structure vétérinaire : comment bien comprendre ses documents comptables ?
Chaque année, les mois d’avril et mai sont des mois intenses pour tout particulier à cause de la déclaration des revenus, mais aussi pour tout gérant d’entreprise qui doit lui aussi déclarer les revenus de son entreprise - avec l’aide de son comptable bien sûr. Les structures vétérinaires n’échappent pas à la règle. Nous allons donc nous pencher sur ce sujet avec une approche très simplifiée pour aborder les principaux points à garder en tête, dans l’objectif de faciliter l’analyse des états financiers pour les gérants de cliniques vétérinaires.
Même si un expert-comptable accompagnera tout entrepreneur, des connaissances de base permettent d’avoir un échange plus éclairé avec celui-ci. Et en se formant un peu, vous verrez que ce n’est pas très compliqué. Donc allons-y, et penchons-nous sur les principaux éléments de ces états financiers.
Rappels : de quels documents comptables parle-t-on ?
L’expert-comptable remet chaque année deux principaux documents comptables, à savoir le bilan et le compte de résultat, accompagnés de leurs annexes. Ces documents sont souvent appelés la plaquette comptable ou les comptes annuels et parfois aussi par abus de langage, ‘le(s) bilan(s)’.
Alors que le bilan dresse un état des lieux de la situation patrimoniale et financière d’une entreprise à un instant T, avec son actif et son passif, le compte de résultat s’intéresse à l’activité d’une entreprise sur une année, les produits reçus et les charges à payer, afin de comprendre si celle-ci est bénéficiaire ou déficitaire.
Chacun de ces deux documents a donc un objectif différent :
pour le bilan : de quelles ressources dispose l’entreprise ?
pour le compte de résultat : l’entreprise est-elle rentable ?
Ces deux documents sont donc très importants mais lorsque l’on cherche à analyser l’activité sur l’année écoulée, on s’intéressera beaucoup plus au compte de résultat. C’est d’ailleurs ce document que l’on va projeter lors d’un budget prévisionnel ou business plan (BP). On s’intéressera notamment à ses principaux postes, avec par ordre d’importance en termes de pourcentage du chiffre d’affaires :
coûts de personnel (environ 45 à 50% du CA !)
achats de matières premières et marchandises
loyer et autres charges externes (électricité, téléphonie, énergie etc.)
Voilà pour les principaux éléments. Maintenant intéressons-nous à leur lecture, et notamment aux principaux indicateurs.
Interpréter ses documents comptables grâce aux soldes intermédiaires de gestion
Nadège nous donnera des éléments sur l’année 2024 pour les vétérinaires, en se basant sur des soldes de gestion. Il est donc important de bien les connaître et les comprendre. Il en existe 9, auxquels on peut ajouter d’autres indicateurs financiers comme la CAF ou le BFR (oui, il existe beaucoup d’acronymes également en comptabilité !) Mais comme nous cherchons à simplifier, nous allons nous focaliser sur 4 principaux soldes intermédiaires de gestion.
#1 - La marge
La marge brute ou marge commerciale est simplement la différence entre toutes les ventes (services, actes et produits) et tous les achats (médicaments, alimentation, tests, analyses, consommables, voire sous-traitance dans certains cas). En général, plus on vend du service, plus cette marge augmente (oui, car on achète moins de produits).
Cette marge varie entre une activité rurale (55-60%), canine (70-75%) ou référée (parfois >90%). Il est donc important de l’analyser dans ce contexte.
La marge permet de mesurer la performance d’une activité, indépendamment des moyens mis en place.
#2 - L’ EBE ou Excédent Brut d’Exploitation
L’EBE se calcule en retranchant des produits, les achats (=marge), les charges externes (payées à des tiers comme le loyer, leasing, électricité etc.), les charges de personnel et les impôts et taxes (hors IS).
C’est souvent le solde de référence, base notamment de nombreuses valorisations d’entreprise, car il représente la rentabilité brute de l'activité principale d'une entreprise hors amortissement et financement.
L’EBE va varier en fonction de la rémunération des gérants et de la structure juridique notamment - il faut donc le comparer avec précaution. Pour des SEL, on arrive cependant à des valeurs oscillant autour des 10% en moyenne pour les dernières années.
#3 - Le résultat d’exploitation
Le résultat d’exploitation est l’EBE, auquel on retranche les amortissements et provisions - ou plus simplement produits d’exploitation - charges d’exploitation, donc produits - charges de l’activité principale d’une entreprise. Les éléments financiers et exceptionnels sont exclus.
L’objectif est donc d’avoir une idée de la rentabilité de l’activité principale en considérant les investissements matériels (amortissements).
#4 - Le résultat net
Le résultat net c’est ce qu’il reste à la fin, une fois que l’on a tout payé, dont les charges financières et charges exceptionnelles. C’est donc cela qu’il va rester à l’entreprise, soit pour être versé aux actionnaires, aux gérants, aux employés, ou mis en réserve (dans le bilan !) ou un mix de tout cela - en espérant que c’est un bénéfice. Si en revanche le résultat net est négatif, on parlera de déficit et il faudra le combler !
Là encore, attention aux comparaisons. En fonction de la rémunération des dirigeants et du statut juridique notamment, le résultat net pourra beaucoup varier (ex: SELARL à l’IS vs SCP à l’IR).
Ce résultat net était de 6-8% en moyenne sur 2022-2023. Attendons de voir ce que 2024 réserve…
L’objectif était de clarifier les différents soldes de gestion, qui peuvent être utilisés comme indicateurs financiers de performance. Cela permet notamment de se comparer à la moyenne nationale mais attention à prendre un certain recul car des stratégies existent, qu’elles soient fiscales, juridiques ou autres. Exemple simple, certains gérants vont décider de diminuer leur rémunération pour augmenter l’EBE, et donc la valorisation de leur entreprise, et se verser le résultat net en dividendes, ce qui est cependant indirectement une rémunération.
Si vous avez besoin de conseils pour toutes ces stratégies, prenez contact avec des experts-comptables et des avocats. Cela vous évitera des erreurs. C’est un investissement initial certes, qui vous permettra cependant plus tard de mieux gérer votre activité financièrement.
Et le bilan dans tout ça ?
Très simplement, le bilan reprend le patrimoine d’une entreprise. On y retrouve
l’actif : dit immobilisé avec les bâtiments, matériels, véhicules, brevets, fonds de commerce, participations financières etc. et l’actif circulant comme le stock, les créances clients et comptes en banque
le passif : capitaux propres et résultat net, ainsi que les dettes, auprès des banques et autres prêteurs, mais aussi auprès des fournisseurs, Etat etc.
Le bilan permet donc de comprendre de quelles richesses dispose une entreprise, important lorsque l’on veut emprunter des fonds notamment. Les investissements matériels y figureront, ainsi que la trésorerie qu’une entreprise aura pu construire au fil de son activité, à force de bénéfice de son activité. C’est un document complémentaire du compte de résultat, qui va évoluer chaque année en fonction de l’utilisation des fonds disponibles.
Parfois perçue comme complexe, l’analyse des états financiers se révèle à la portée de toutes et tous lorsque l’on se focalise sur quelques éléments principaux. Au fur et à mesure, le dirigeant pourra se former de plus en plus et aller plus dans le détail de l’analyse, mais les éléments présentés ci-dessus devraient être suffisants pour avoir des discussions éclairées avec ses conseils (expert-comptable, avocat, banquier, gestionnaire de patrimoine). Comme pour tout chiffre ou indicateur, il est important de garder un certain recul et d’interpréter les éléments à bon escient, au sein d’un environnement et d’un contexte, d’autant plus lorsque l’on opère des comparaisons entre structures.
Et si on demandait à une experte comptable très familière des cliniques vétérinaires son point de vue sur l’année écoulée ?
Entretien avec Nadège Giffault, Responsable nationale secteur vétérinaire chez RYDGE Conseil
Vet&All : Bonjour Nadège, merci de nous accorder un peu de temps. Pourriez-vous vous présenter rapidement et nous expliquer votre parcours et votre rôle actuel ?
Nadège : Bonjour Guerric. Pour faire rapide, j’ai 40 ans d’expérience en expertise comptable, dont 20 ans chez KPMG, maintenant devenu RYDGE Conseil, où je me suis focalisé sur le développement et l’accompagnement de l’activité vétérinaire.
Vet&All : Certains lecteurs ne connaissent peut-être pas RYDGE Conseil ou KPMG. Que proposent-ils ?
Nadège : RYDGE Conseil est une filiale de KPMG, avec plus de 100 ans d'expérience, qui compte 4500 collaborateurs dans 200 bureaux. Notre équipe est composée d'experts, de spécialistes en comptabilité, finance, ressources humaines, droit et fiscalité, là pour fournir des conseils éclairés et pertinents à tout entrepreneur. La force de RYDGE Conseil réside dans sa présence sur l'ensemble du territoire français, garantissant une proximité avec chacun de nos clients. Cette proximité nous permet de mieux comprendre leurs défis et de leur offrir un accompagnement sur mesure.
Vet&All : Vous êtes donc une spécialiste de l’analyse financière. Quels sont les éléments importants à avoir en tête quand on est vétérinaire gérant de sa structure ?
Nadège : Il est bien sûr important de regarder l’évolution du chiffre d’affaires, du volume d’affaires, de la marge brute. On doit également faire une analyse des principaux frais généraux, loyer et leasings, étant les charges externes les plus importantes. Enfin les frais de personnel sont bien évidemment à suivre de près car il représente la principale charge en clinique vétérinaire.
Vet&All : Chaque année vous publiez des moyennes professionnelles grâce à votre échantillon anonymisé de centaines de cliniques vétérinaires. Quel est l’objectif de ces moyennes ?
Nadège : L’objectif de cette étude est double. D’une part, elle permet aux cliniques vétérinaires clientes de RYDGE Conseil de mieux comprendre leur propre performance économique en se comparant à un panel représentatif. D’autre part, elle fournit un éclairage fiable sur les tendances et les évolutions structurelles du secteur vétérinaire en France. En s’appuyant sur des données issues de plus de 100 cliniques accompagnées par RYDGE Conseil (400 clients, dont 100 retenus pour notre étude), cette analyse vise à décrypter les modèles économiques, à identifier les leviers de performance, mais aussi à offrir un outil d’aide à la décision pour les praticiens et les investisseurs du secteur.
Vet&All : Quels sont les grands enseignements et tendances des dernières années ?
Nadège : On a observé des évolutions importantes de chiffre d’affaires, dans la limite de la disponibilité de vétérinaires diplômés (+6% en 2024 vs 2023). Il semblerait cependant que la marge brute se tasse légèrement, en recul d’environ 2% en 2024, y compris après remises, peut-être lié à une augmentation des tarifs fournisseurs au-delà de l’augmentation de CA. On avait noté une augmentation des frais de personnel en pourcentage du CA en 2023, ce qui ne s’est pas reproduit en 2024. On assiste donc in fine à une augmentation de l’EBE, à moduler avec l’évolution de la rémunération des gérants et notamment l’impact de la réforme la concernant.
Vet&All : Quels sont vos conseils pour les vétérinaires chefs d’entreprise d’un point de vue gestion financière ? Notamment s’ils ont peu de temps ou de connaissance à consacrer à cela ?
Nadège : Notre premier conseil est de ne pas rester seul. Le vétérinaire chef d’entreprise n’a pas vocation à devenir expert-comptable : s’entourer d’un partenaire de confiance, qui connaît les spécificités du secteur vétérinaire, permet de gagner du temps et de la sérénité. Ensuite, même si le temps manque, il est essentiel de piloter son activité à l’aide de quelques indicateurs clés : chiffre d’affaires, rémunérations, rentabilité, trésorerie. Des tableaux de bord synthétiques, adaptés à leur pratique, permettent aux vétérinaires de prendre des décisions éclairées sans y consacrer des heures. Nous recommandons également de structurer la gestion dès que possible : cela passe par des outils numériques simples pour la facturation, les paiements ou la gestion des stocks, mais aussi par une bonne organisation comptable et sociale. Enfin, il est crucial d’avoir une vision à moyen terme : que ce soit pour investir, recruter ou transmettre, la gestion financière ne doit pas être subie. Elle peut devenir un véritable levier de développement, même dans un quotidien très opérationnel.
Vet&All : Merci beaucoup pour toutes ces réponses et votre expertise. Autre chose à ajouter ?
Nadège : Vous avez des projets et souhaitez les concrétiser ? N'attendez plus, contactez-nous dès maintenant. Ensemble, construisons votre succès et pérennisons votre vision pour l'avenir.
Vet&All : Encore merci et à bientôt dans une nouvelle édition de Vet&All peut-être !
Coordonnées : Nadège Giffault, Responsable nationale secteur vétérinaire, Expert-Comptable, ngiffault@rydge.fr, 06 11 68 25 04
Je suis Guerric Radière, consultant en stratégie, gestion et organisation, vétérinaire canin libéral, et enseignant en management en école vétérinaire (ENVA, ENVT). Je suis passionné par notre profession et cherche à la faire progresser pour le bien des animaux et des équipes. Echanger et travailler avec des acteurs de notre domaine est ma raison d’être, donc n’hésitez pas à me contacter ➡️ animall.life.contact@gmail.com.